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Pourquoi le blanc d’œuf mousse-t-il ?

Le blanc d’œuf, fameux en cuisine (la délicieuse île flottante…), est une partie de l’œuf composée principalement d’ovalbumine, de conalbumine, d’ovomucoïde, de lysozyme, de flavoprotéine et d’avidine qui protège le zygote (le jaune, ou poussin en devenir !)

Mais pourquoi un blanc d’œuf mousse-t-il, alors que l’eau ne retient pas beaucoup l’air ?
Parce que le blanc d’œuf est un agent tensioactif, c’est-à-dire qu’il modifie les forces de tension superficielle à l’interface eau-air (voir l’article danger dans le micro-ondes). Plus précisément, les protéines qu’il contient sont tensioactives.

Le blanc d’œuf mousse car il contient des agents tensioactifs.

Les tensioactifs doivent leurs propriétés moussantes à leur structure amphiphile, c’est-à-dire que ces molécules aiment à la fois l’eau (hydrophile) et les graisses (lipophile). Elles rendent le blanc d’œuf visqueux et stabilisent les bulles d’air introduites.

Les agents tensioactifs sont courant parmi les composés organiques, à cause de certaines fonctions qu’ils contiennent (ester, éther, amide, etc.) ; le surfactant pulmonaire en est un exemple.

Des agents tensioactifs appelés émulsifiants sont largement utilisés en pâtisserie car ils facilitent la formation d’une émulsion (petites gouttelettes) entre deux liquides non miscibles (telle l’eau et les produits gras).

L’eau colle au doigt en raison de la tension superficielle. La forme étalée de la goutte, elle, est due à la loi de Young-Dupré.

Bateau à propulsion savonneuse

Pour la science n°244 (février 1998) rapporte une expérience étonnante : la propulsion d’un bateau (léger) au savon !

Une faible profondeur d’eau suffit. Pour peu que vous disposiez d’allumettes encochées ou que vous créiez un minuscule bateau en papier ou polystyrène, l’expérience est réalisable…

Introduire un agent tensioactif – du liquide-vaisselle, du camphre, ou du savon – à l’arrière du bateau, percer l’arrière (la proue !) d’une petite encoche, et déposer délicatement le navire sur l’eau. Il avance !

Les bords latéraux du bateau doivent être parallèles entre eux, afin que les forces agissant dessus se compensent.

Le bateau avance tant que l’eau reste pure, mais surtout tant qu’il reste du savon en réserve à la proue, et par conséquent tant que l’eau située devant la proue a une tension superficielle supérieure à l’eau en poupe.

Notre bateau, plus qu’avoir le vent en poupe, a la tension superficielle sous sa coque ! Attelons-nous au calcul de la vitesse de croisière du bâtiment !

En fait, la force de tension superficielle sur un bord du bateau est égale à la tension
superficielle du liquide sur ce bord multipliée par la largeur du bord.

A l’avant du bateau, la force propulsive vaut F= Teau*L, où Teau est le coefficient de tension superficielle de l’eau, et L la largeur du bateau.

La force à laquelle est soumise l’arrière du bateau se décompose en deux :
F= T(D-d) où d est la largeur du compartiment contenant le savon : force à laquelle est soumise la partie ne contenant pas le « moteur ».
F= Teau savonneuse*d où la tension superficielle de l’eau savonneuse intervient : force à laquelle est soumise la partie contenant le « moteur ».

Passons l’analyse vectorielle du mouvement : la résultante de ces forces est dirigée vers l’avant du bateau. Par conséquent… il avance ! On peut cependant le montrer simplement :

La résultante des forces à laquelle est soumise le bateau vaut, algébriquement, F– FF2. C’est fort logique : Fest dirigée vers l’avant, les deux autres forces vers l’arrière.

Ainsi, F = Teau*L – T*(D-d) – Teau savonneuse*d. Développement, puis factorisation…

F = d(Teau – Teau savonneuse) = d*∆T, avec ∆T la différence de tension superficielle entre l’eau et l’eau savonneuse. Mais surtout, d’après ce qui figure entre parenthèses, la tension superficielle de l’eau étant supérieure à celle de l’eau savonneuse, F>0 : le bateau subit une poussée !

Cependant, le bateau ne poursuit pas sa course indéfiniment : il est freiné par une force de frottement fluide. Celle-ci se calcule en faisant appel au nombre de Reynolds, car la force de freinage dépend du type d’écoulement (laminaire ou turbulent).

Dans les conditions de l’expérience, le nombre de Reynolds, prenant en compte la masse volumique de l’eau, sa viscosité dynamique, la vitesse de l’eau, ainsi que la longueur du bateau avoisine 5000.

Bien entendu, la vitesse de l’eau est égale à celle du bateau, entraîné.

Or 5000>2300 : l’écoulement est turbulent. Cependant, dans le cadre de la théorie de Ludwig Prandtl, la couche limite reste laminaire si l’on assimile le bateau à une mince plaque suffisamment longue. La résistance à la propulsion par unité de largeur est donnée par la corrélation de Blasius, du même scientifique que l’équation de Blasius, Paul Richard Heinrich Blasius (1883-1970) :

Ffrottement = (2/3)*(η*ρ*L*v3)1/2.

où η est la viscosité dynamique de l’eau, ρ la masse volumique de l’eau, v la vitesse du bateau, et L la longueur du bateau.

A vitesse maximale, il suffit de considérer que le bateau est autant freiné qu’il est propulsé ; les deux forces – propulsion et frottement – sont (plus ou moins) égales :

 d*∆T = (2/3)*(η*ρ*L*v3)1/2

Moyennant une racine cubique, la vitesse, v, est aisément isolable…

En remplaçant par les valeurs numériques, avec du savon un bateau peut aller jusqu’à… 10 cm/s (30 théoriquement) !

En détail, la tension superficielle de l’eau est supérieure à celle de l’eau savonneuse (en arrière) : le bateau est entraîné vers l’avant, dans le sens du gradient de tension superficielle, donc.

La mécanique des fluides est une discipline très complexe (cela dit, pas moins que d’autres branches de la physique !) qui permet aux avions de voler, alors pourquoi pas aux bateaux en papier de flotter avec pour seul moteur du savon !

Ce phénomène porte le nom d’effet Marangoni, transport de matière le long d’une interface en raison d’un gradient de tension superficielle.

Les larmes de vin, gouttelettes apparaissant après tournoiement d’un verre, sont dues à l’effet Marangoni.

Loi de Tate

La tension superficielle explique également le compte-goutte, c’est-à-dire ces gouttes agaçantes qui adhèrent au robinet ! Leur masse est l’objet de la loi de Tate :

 \qquad m = \frac{\gamma.k.R}{g}

  • m est la masse de la goutte ;
  • \gamma est la tension superficielle du liquide ;
  • R est le rayon de l’orifice du compte-goutte ;
  • g est l’intensité de la pesanteur ;
  • k est le coefficient de forme du compte-goutte.

Effet Coandă

Nommé d’après le physicien Henri Coandă (l’un des inventeurs du moteur à réaction), l’effet Coandă est une manifestation courante des forces de tension superficielle : d’après les travaux du rhéologue Markus Reiner, on l’appelle aussi effet théière, et la « version » liquide ne doit pas être confondue avec un phénomène aérodynamique semblable à l’effet Magnus.

Comme chacun sait, verser du thé, ou transvaser n’importe quel liquide demande d’y aller « sec » ! Et pour cause : si le liquide ne coule pas assez vite, il est attiré vers la surface convexe par des forces de tension superficielle.

Si le geste n’est pas franc, l’eau adhère à la paroi !

A noter enfin que si le blanc remonte le long du fouet d’un batteur électrique, c’est en raison de l’effet Weisenberg : http://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_Weissenberg.